« Oui au photovoltaïque, mais pas sur des terres agricoles ! »
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« Oui au photovoltaïque, mais pas sur des terres agricoles ! »

Le conseil municipal de Razac-sur-l’Isle, soutenu par sa population, s’oppose au projet de ferme agrivoltaïque de 26 hectares porté par Engie Green.

Au sol, des céréales ; c’est de l’agriculture. En hauteur, des panneaux captant la lumière du soleil pour produire de l’énergie ; c’est du photovoltaïque. Installez les deux sur une même parcelle et vous obtenez l’agrivoltaïque. Sur la commune de Razac-sur-l’Isle, ce sont 26 hectares de terres agricoles, soit l’équivalent de 36 terrains de foot, qui pourraient être destinés à cette production d’énergie dite verte. C’est en tout cas le projet qu’Engie Green souhaiterait voir rapidement installé dans cette zone de notre ruralité périgourdine. Concrètement, il s’agirait de supprimer l’exploitation céréalière et de faire paître 300 brebis sous cet éventuel parapluie de panneaux photovoltaïques.

Le dossier court depuis maintenant deux ans. Au départ, ce n’était non pas 26 hectares qui étaient prévues en agrivoltaïque, mais 34. Déjà à l’époque, le porteur de projet fait face à une vive opposition du conseil municipal de la commune qui pointait alors les nombreuses incohérences économiques, environnementales, agricoles, foncières, patrimoniales ou paysagères de cette ferme photovoltaïque. Les élus insistent sur le fait qu’ils ne sont « pas opposés à l’installation d’une centrale solaire sur leur commune » et se disent prêts à « participer à l’effort national de développement des énergies vertes. Mais cette installation doit être réfléchie, sans céder à la facilité de mise en œuvre sur des terres exploitables et d’une superficie raisonnable en matière d’environnement ». Ils préconisent alors une installation sur des « friches industrielles, anciennes carrières, mines, déchetteries, terres non cultivables » plutôt que sur des « terres cultivées et cultivables ». Le conseil, à travers un motion, acte sa position et est soutenu par sa population qui à l’occasion de multiples réunions publiques fait part elle aussi de sa désapprobation. Face à la fronde, le Préfet donne un avis défavorable au projet.

Ce sont 26 hectares de terres agricoles qui pourraient être recouvertes de panneaux photovoltaïques

« Les terres agricoles sont indispensables à l’autonomie alimentaire de tous les êtres vivants »

Violette Folgado, adjointe PCF de Razac-sur-l’Ilse

Mais en septembre dernier, rebelote. Engie Green présente un nouveau projet agrivoltaïque à une échelle certes plus modeste, mais qui n’apaise en rien les inquiétudes des habitants de la commune. Lors du conseil municipal de Razac qui s’est déroulé fin novembre, l’adjointe communiste au maire, Violette Folgado déplorait que les investisseurs aient trouvé la parade pour contourner la loi « Résilience et climat » qui n’autorise pas de telles installations sur les terres agricoles, et s’affranchissent ainsi de l’avis des élus et de leurs administrés : « C’est la question démocratique qui se pose d’autant plus que maire et élus se sentent souvent dépossédés de leur liberté de décision et d’action qui sont redonnées à d’autres instances ». L’élue prend pour exemple le PLUI communal qui a été transféré à l’intercommunalité, ou encore les permis de construire qui pour les énergies renouvelables sont désormais confiés au Préfet. L’adjointe au maire insiste sur le nécessaire développement des énergies renouvelables, « mais cette nécessité doit faire l’objet d’une planification rigoureuse par l’État et portée par des sociétés 100 % publiques afin de ne pas laisser le champ libre à des chasseurs d’espaces et de dividendes. En ce sens, l’État et la puissance publique, dont les communes, doivent pleinement jouer leur rôle d’impulsion, d’organisation, d’aménagement du territoire afin d’éviter l’utilisation des terres naturelles, forestières ou agricoles pour produire de l’énergie et limiter les éventuels conflits d’usage du photovoltaïque ou de l’éolien terrestre et offshore avec des activités telles que la pêche ou l’agriculture ».

Violette Folgado s’appuie enfin sur la récente adoption par le Sénat du projet de loi d’accélération des énergies renouvelables. Après d’intenses débats, un compromis a en effet été trouvé : le droit de véto des maires demandé par des sénateurs a été remplacé par l’instauration d’un nouveau dispositif prévoyant une planification ascendante, partant des territoires et permettant aux maires d’avoir le dernier mot sur les implantations, l’avis conforme de la commune étant requis. « Bien que nous ne savons pas s’il sera retoqué ou non par l’Assemblée nationale, ce vote du Sénat nous conforte à poursuivre notre démarche: oui au photovoltaïque mais pas sur des terres agricoles, terres nécessaires à l’autonomie alimentaire de tous les êtres vivants ».

« Une volonté délibérée des investisseurs de faire leur beurre sur le dos du foncier »

Violette Folgado

On l’aura compris : sur ce dossier, les Razacois n’ont absolument pas l’intention de lâcher la pression. D’autant qu’il pourrait être le premier d’une longue liste. « Les porteurs de projets énergétiques ou de logements par des sociétés et cabinets privés se pressent dans nos mairies de zones rurales », poursuit Violette Folgado, « mon impression est qu’il y a derrière tout cela une volonté délibérée de ces investisseurs de faire leur beurre sur le dos du foncier ». Voilà qui soulève question : est-ce que nos territoires ruraux, plutôt que l’entreprise, ne seraient pas le nouvel eldorado pour le placement de capitaux ? L’appétence des investisseurs va-t-il finir de priver les agriculteurs de leur outil de productions ? La concurrence entre les différents usages de la terre (production alimentaire, logement, industrie, énergies…) entraîne depuis de nombreuses années une importante crise pour l’accès au foncier agricole. En parallèle, de plus en plus d’agriculteurs se laissent séduire par l’installation de ferme photovoltaïque sur leur terre, une production jusqu’à dix fois plus rentable que l’agriculture… La profession est à bout de souffle et il est à craindre que cette situation fasse entrer les agriculteurs dans une logique de rente plutôt que dans une logique nourricière.

Il y a désormais urgence à défendre l’atout agricole et la vie rurale pour assurer l’indépendance et la sécurité alimentaire en quantité comme en qualité, de maintenir et créer des emplois mieux rémunérés dans la profession, d’assurer les équilibres écologiques et de préserver la vie rurale. Il en va de notre avenir.

Edition du 28 octobre 2022 de la Dordogne Libre