
10 Fév « Il faut construire une gauche, mais une gauche anticapitaliste »
La Fédération du Parti Communiste de la Dordogne par la voix de son secrétaire Julien Chouet, présentait ses vœux le samedi 25 janvier à l’Espace Louis Aragon. Retrouvez ci-dessous l’intégralité de son discours, ainsi que les articles parus dans la presse locale :
Bon très sincèrement, je ne sais pas comment commencer ces vœux, j’ai aussi eu du mal pour le corps du texte et pour la conclusion… Oui, parce que, depuis quelques années nous alertions, nous disions que nous étions dans une société de plus en plus fascisante, que nous étions pas loin de passer du côté obscur. Mais je veux le dire sans pessimisme aucun, nous avons atteint le point de bascule. Chaque année apporte son lot de malheur, de reniement, d’inactions et chaque année on se dit que ça ne pourra pas être pire. 2024 pour cela est un très grand cru, mais je crains que ce que nous réserve 2025 soit encore plus dégueulasse… 2024 a été marquée par une aggravation des convulsions internationales sur les différents points d’affrontement que provoque la recomposition en cours des rapports de force internationaux. Elles se déroulent sur fond de menaces de chocs financiers et de récession boursière, particulièrement marqués dans les deux principaux centres capitalistes : aux Etats-Unis (mini krach boursier à Wall Street) et en Asie (plus forte baisse historique de la bourse de Tokyo). Il faut y ajouter les catastrophes provoquées par la crise climatique (inondations meurtrières en Inde et au Pakistan, feux de forêts gigantesques en Californie et en Grèce, cyclone à Mayotte…).
Avec l’exacerbation des concurrences, dans le contexte de la réorganisation des rapports de forces entre puissances et multinationales, de recomposition des alliances, de cette mondialisation capitaliste émiettée, les risques de généralisation des conflits sont donc fortement présents. Il est par conséquent particulièrement important pour les communistes, non seulement d’approfondir l’analyse de ces recompositions internationales, mais également de renforcer l’intervention en faveur d’une politique de paix et de sécurité collective, sur la base de la charte des Nations Unies, sur une autre orientation de la politique française, alors que la crise de régime actuelle accélère l’effacement total de la France sur la scène internationale.
La régionalisation du conflit en Israël/Palestine fait de ce territoire une des poudrières internationales, où l’exacerbation des tensions entre puissances internationales et régionales s’intensifie. L’année 2024 aura été marquée par une succession de crimes de guerre et de massacres de masse opérés par le gouvernement d’extrême droite israélien à Gaza, avec le soutien de toutes les puissances occidentales et avec un nouveau modus operandi : s’asseoir sur toutes les décisions de l’ONU et de la cour internationale de justice. Ce n’est pas rien, cela fait partie de ce monde nouveau que nous voyons naitre sous nos yeux.
« C’est le retour de l’impérialisme américain, du capitalisme le plus vorace »
Julien Chouet, secrétaire départemental du PCF 24
2025 commence, elle, en fanfare avec l’élection de Trump et d’Elon Musk ce qui n’est n’est pas un détail. Pas simplement parce que les USA sont une des plus grandes puissances de ce monde, mais parce que le discours que tient Trump, le salut nazi de son premier conseiller, celui qui l’a fait roi, ne sont pas anecdotiques. Partout dans le monde, et particulièrement dans nos médias en France, il y a cette recherche de banaliser l’élection de Trump et de ses outrances et de ses discours aux accents mussoliniens.
Groenland, Canada, canal de Panama, Mexique, ne sont pas des lubies et encore moins des mots en l’air de Donald Trump. C’est le retour de l’impérialisme américain, c’est le choc des civilisations, c’est le retour du capitalisme le plus vorace, le plus carnassier, le plus débridé. Son avidité pousse jusqu’au revisionnisme de l’ordre et du droit international. C’est le retour de la guerre économique, et qui dit guerre économique dit guerre tout court, car oui le capitalisme est criminel. D’ailleurs quand la planète brule, Trump annonce se retirer des accords de Paris et de l’OMS, quand on sait que le réchauffement climatique s’accélère bien plus rapidement que les pires prédictions l’avaient annoncée et que les réfugiés climatiques vont affluer. Il nous sort ça de son chapeau au lendemain de feux qui ont ravagé la Californie.
« L’amour pour la France de nos milliardaires se situe dans vos poches »
C’est ce capitalisme qui se glorifie de dividendes records, ses chantres qui nous parlent de patriotisme du soir au matin, d’amour de la nation, mais qui menacent de s’en aller s’ils se voyaient imposés. Le culte de l’argent prend toujours le pas sur leur esprit de clocher : quand on leur demande un effort -d’ailleurs on leur demande même plus- il n’y a plus personne. Pourtant le rapport d’OXFAM est édifiant et il donne la nausée : la richesse des milliardaires a augmenté de 2 000 milliards de dollars en 2024, soit trois fois plus vite qu’en 2023. Nous voyons se former à une vitesse grand V une nouvelle aristocratie mondiale. Aujourd’hui, si les dix personnes les plus riches du monde perdaient 99 % de leur fortune du jour au lendemain, elles demeureraient milliardaires. Je crois qu’on peut leur en prendre un petit peu. Et sincèrement je suis partisan de tout leur reprendre, pour le rendre à ceux qui ont crée ces richesses, les travailleurs et les travailleuses.
L’opinion publique française s’exprime majoritairement en faveur d’une plus grande justice fiscale. Selon un sondage réalisé par l’institut Vérian et publié en septembre, 78% des Français⸱es sont en faveur d’une taxation plus importante des personnes les plus fortunées. Par ailleurs, 10% de la fortune cumulée des milliardaires français suffiraient pour atteindre l’objectif de 50 milliards d’économies recherchées actuellement par le gouvernement pour le budget 2025. Alors où est le patriotisme -je déteste ce mot- de nos milliardaires et de nos grandes fortunes ? Où est-ce que se situe leur amour de la France alors qu’ils sont incapables de mettre la main à la poche. La réponse vous l’avez : leur amour se situe dans vos poches à vous et dans celles de tous ces travailleurs exploités, rincés et remerciés quand l’herbe est plus verte ailleurs, en Europe ou ailleurs dans le monde.
« Le choix du capital est toujours corolaire à la recrudescence de l’extrême droite »
Le monde aujourd’hui c’est : guerres aux quatre coins du monde, péril écologique, casse sociale. C’est le choix du capital qui est toujours corolaire à la recrudescence de l’extrême droite. Elle explose partout dans le monde. Il nous faut bien regarder dans quelle période charnière nous ne trouvons de notre histoire. Ce moment de bascule dont je parlais et qui a déjà eu lieu. Il n’y aura pas de retour en arrière. Arrêtons de nous leurrer et de leurrer les gens. Il y a une fascisation de la société. Il nous faut faire avec, ainsi que d’un rejet croissant des politiques, de la politique en général. L’austérité, les choix budgétaires à tous les niveaux, ont profondément impactés la vie des Françaises et des Français. Les équilibres politiques et sociaux fragilisés, les classes dominantes n’ont plus la capacité à produire le consentement de la population. Cette série de régressions sociales, ce sentiment d’abandon, de déclassement, d’ailleurs ce n’est pas un sentiment c’est une réalité ont encouragé la renaissance de l’extrême droite.
Et si on ne regarde pas ça de plus près, si on n’affronte pas le monde dans lequel on vit alors les solutions que nous proposerons ne serons pas les bonnes. Et les questions de savoir comment militer, comment aller rediscuter avec les gens, ne trouveront pas de réponses. Elle est là notre difficulté aujourd’hui. Et pourtant c’est ce que nous devons faire, nous communistes mais aussi toutes les autres forces de gauche. Revenir au contact de ceux qui vous sont proches mais qui par résignation, par dégout, ou par ras-le-bol ne viennent plus nous voir et ne vont plus voter pour nous. Je sais que c’est difficile mais en tout cas les communistes savent que c’est de leur responsabilités.
« Si nous ne faisons pas le choix d’en finir avec la capitalisme, alors nous échouerons »
Et pour cela nous devons construire un véritable projet alternatif à gauche. Nous les communistes en avons un, mais certains de nos partenaires en ont aussi un. Mais pour le moment la gauche est très forte pour critiquer. Mais elle peine à construire une véritable alternative à proposer aux Françaises et aux Français. Les forces plutôt à droite et réactionnaires proposent des projets dans la continuité, en durcissant, que ce soit sur la question migratoire les questions de sécurité, ou pour faire des économies, encore et toujours… Mais du coup, eux, ils ont quelque chose à dire, nous, on est inaudibles.
J’ai une question : aimons-nous le capitalisme ? Il faut croire que la gauche l’aime parce qu’elle s’emploie à le sauver de la crise du chômage, de la faible croissance, des cures d’austérité successives qui saignent nos services publics et nos collectivités depuis des décennies. Nous sommes communistes et nous rêvons encore. Pourquoi le peuple ne vote plus pour nous et pourquoi nous n’arrivons pas à mettre en branle cette idéal de fraternité et de solidarité ? Parce qu’on déçoit sur de trop nombreux points. Parce qu’on s’empêche de créer. Si nous ne faisons pas le choix d’en finir avec le capitalisme, alors nous échouerons. Nos militants et nos élus continuerons à gérer l’ingérable, et c’est d’ailleurs de pire en pire, et la colère continuera et s’accentuera contre eux.
D’ailleurs a ce titre je voudrais salué le travail remarquable de Marie-Claude Varaillas, à tout point de vue. Je sais qu’elle et sa famille ont passé une semaine difficile. Et je peux t’assurer Marie-Claude que tu as tout notre soutien. Vous l’avez peut être vu, mais les réseaux sociaux ne sont pas tendres et concentrent un ramassis de haineux et personnes d’extrême droite. Alors que nous savons tous les problèmes que génère le SMD3 et sa nouvelle politique des déchets, Marie-Claude avec sa proposition de loi a essayé d’arracher une tarification sociale. Elle a essayé, dans le couloir qui est le sien, dans les possibilités qui sont les siennes, d’améliorer la vie des Périgourdins. Mais elle s’est pris une volée de bois vert, concernant tous les problèmes relatifs au SMD3 et pas seulement sur la redevance incitative, mais aussi sur la collecte, sur le service public etc… Je tenais à dire que c’est aux élus du SMD3 et aux maires de prendre leurs responsabilités. C’est à eux de s’opposer et de se poser pour réfléchir à un autre système. De lancer un grand cycle de consultation avec les citoyens et les élus sur le terrain, c’est d’ailleurs dans la PPL de Marie-Claude.
« Notre capacité à nous rassembler n’est plus une option »
C’est un exemple qui illustre ce que je disais précédemment. Si on ne s’oppose plus, si on ne propose pas autre choses que ce que nous impose l’Europe par exemple, nous courrons à la catastrophe et nous nous préparons à des lendemains qui déchantent et des élections à venir très compliquées. Mais aussi parce qu’on adore, à gauche, se détester. Il y en a qui s’indignent que le PS n’ai pas voté la censure. On peut penser que c’est une erreur et d’ailleurs je le pense. Mais sincèrement on a pas autre chose à faire que se lancer des quolibets et autres anathèmes plus cinglants les uns que les autres ? Le jeu du clivage, je le dis, c’est le langage de l’extrême droite. Compte tenu du contexte, il me paraît urgent de faire différemment. Personnellement j’ai été bien plus choqué par ces maires qui ont invité des députés RN à prendre la parole lors de leurs vœux ou qui les ont invités. Là il y a un problème et il faut en parler clairement avec eux.
Vous savez, à gauche, on a une habitude, c’est de dénigrer nos partenaires, qui sont parfois nos adversaires. Et on se demande comment on va pouvoir les tuer, comment on va pouvoir faire sans eux ? Mais je crois qu’il faut qu’on changer de logiciel. Ici, tout le monde s’en fout que j’aime ou que je n’aime pas Mélenchon, Faure, Jadot et consorts. Je ne les aime pas, et alors ? Aujourd’hui, on en est vraiment plus là. Ce qu’il faut regarder, c’est comment on peut battre la droite, comment on peut battre l’extrême droite et donc se rassembler. Les petits coups et combines que certains font ici ou là, on récupère des mairies à un autre maire de gauche, c’est terminé. C’est contre-productif et dangereux. La réalité d’aujourd’hui, c’est qu’on a 430 communes qui mettent le RN en tête aux Européennes, et à peu près le même score aux législatives. Si on est encore sur ce genre de stratégie, alors on est tout simplement pas à la hauteur des enjeux et je dirai même de l’histoire. Et le peuple de gauche nous le fera savoir.
« Il faut résister, mais il faut surtout inventer »
C’est pourquoi nous sommes des partisans et des acteurs majeurs du NFP en Dordogne. Et 2025, vous le savez, est une année charnière dans la préparation des prochaines municipales. Notre capacité à nous rassembler, à inventer des politiques publiques nouvelles, à conquérir des droits nouveaux pour nos concitoyens, à développer nos services publics pour l’ensemble de la population, n’est plus une option, mais une urgente nécessité.
Il faut résister, mais surtout il faut inventer. Ce n’est pas le plus facile, mais c’est le plus urgent. Avant de prétendre construire un peuple, je crois qu’il faut construire une gauche. Mais une gauche anticapitaliste où l’oligarchie à dénoncer n’est pas une oligarchie en soi mais un petit nombre qui se fonde sur la propriété, l’inégalité, la perpétuation d’elle-même et l’exploitation de la richesse de la multitude. En gros, là aussi nous le savons, il faut en finir avec les renoncements. Tournons nous vers celles et ceux qui veulent construire autre chose, ils et elles sont nombreux, prêts à enclencher un bras de fer salvateur. Nous, communistes, démontrons notre utilité. Nous devons intervenir non pas comme une force politique parmi d’autres qui chercherait à récupérer un part de marché électoral, mais sous l’angle qui fait la spécificité du PCF : celui des tâches à accomplir pour s’attaquer aux causes profondes des attaques du pouvoir, et donc pour permettre de développer, dans la réalité concrète d’aujourd’hui, les éléments d’un dépassement du capitalisme.
Je vous souhaite à toutes et tous mes vœux les plus fraternels.
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